Le yogi parfait existe-t-il vraiment ?

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Il est parfois difficile de ne pas se sentir sous pression et de ne pas se sentir coupable de sa propre évolution dans le yoga lorsque les médias et les réseaux sociaux nous bombardent d’images du « yogi parfait ». 

Il ne s’agit pas seulement des aspects gymnastique de la pratique posturale du yoga, mais aussi du fait que certaines personnes qui pratiquent le yoga montrent qu’elles sont zen et heureuse tout le temps, qu’elles ne mangent que des aliments bio, qu’elles ne s’adonnent à aucun vice, qu’elles sont toujours dans la nature et méditent tout le temps – ce qui fait que nous, simples mortels, nous sentons coupables de la vie que nous menons ! 

Mais est-ce cela qui fait le "yogi parfait" ?

Les réseaux sociaux ont créé cette tendance à vivre une vie performative. Pour devenir un bon yogi, nous devons accomplir certaines actions d’une certaine manière et le montrer parfaitement aux autres. Cependant, la philosophie yogique nous enseigne autre chose. 

Alors que certains utilisent le terme de « yogi parfait » pour décrire une personne qui maîtrise les postures physiques (asanas), le contrôle de la respiration (pranayama) et la méditation, d’autres mettent l’accent sur les aspects éthiques et moraux du yoga, tels que la pratique de la non-violence (ahimsa), de la vérité (satya) et de l’autodiscipline (tapas).

Le concept de « yogi parfait » peut varier en fonction du point de vue de chacun et de la tradition spécifique du yoga considérée. Dans de nombreuses traditions philosophiques et spirituelles, la perfection est souvent considérée comme un idéal plutôt que comme une réalité pratique.

Il est important de reconnaître que la perfection, dans un sens absolu, est une norme difficile, voire impossible à atteindre pour quiconque. La voie du yoga est souvent considérée comme un voyage de croissance continue et de découverte de soi plutôt que comme une destination de perfection. De nombreuses traditions yogiques reconnaissent les imperfections et les défis inhérents à l’être humain et encouragent les individus à embrasser leur parcours avec humilité et compassion.

Les Yoga Sutras et la Bhagavad Gita sont des textes fondamentaux de la philosophie et de la pratique du yoga, et ils offrent chacun à leur manière un aperçu de la poursuite du yoga. Ces deux textes donnent un aperçu de ce à quoi peut ressembler le parcours d’une personne en yoga et des leçons que l’on peut tirer de ce parcours. 

Les Yoga Sutras de Patanjali

Les Yoga Sutras, compilés vers le 4e siècle, décrivent la voie du yoga à travers les « huit membres », connus sous le nom d’Ashtanga Yoga. Ces membres sont les suivants : 

  1. Yama (éthique) : Principes éthiques, notamment la non-violence, la véracité, l’absence de vol, la continence et l’absence d’avarice.
  2. Niyama (observances) : Pratiques personnelles, notamment la propreté, le contentement, l’austérité, l’étude et la dévotion.
  3. Asana (Postures physiques) : La pratique de postures physiques visant à développer la force, la souplesse et la stabilité.
  4. Pranayama (contrôle de la respiration) : Régulation de la respiration pour améliorer le flux de la force vitale (prana).
  5. Pratyahara (retrait des sens) : Retournement de l’attention vers l’intérieur en se retirant des stimuli externes.
  6. Dharana (concentration) : Focalisation de l’esprit sur un point ou un objet unique.
  7. Dhyana (méditation) : Concentration soutenue menant à la méditation.
  8. Samadhi (Union) : État d’absorption bienheureuse, le but ultime du yoga.

 

Selon les Yoga Sutras, le yoga implique un mode de vie éthique, des postures physiques, le contrôle de la respiration, le retrait des sens, la concentration, la méditation et, en fin de compte, l’union avec le divin.


La Bhagavad Gita

La Bhagavad Gita fait partie de l’épopée indienne Mahabharata et se présente sous la forme d’un dialogue entre le prince Arjuna et le dieu Krishna, qui lui sert de guide. La Bhagavad Gita aborde les dilemmes moraux et philosophiques auxquels Arjuna est confronté sur le champ de bataille et fournit des conseils sur la poursuite du yoga dans le contexte du sens du devoir (dharma). Les principaux thèmes abordés sont les suivants :

  1. La voie de la dévotion (Bhakti Yoga) : La Gita met l’accent sur la dévotion au divin comme voie de réalisation. Krishna décrit l’importance de l’amour inconditionnel et de l’abandon au Suprême.
  2. La voie de la connaissance (Jnana Yoga) : La compréhension de la nature de la réalité et du soi est une autre voie. La Gita traite de l’importance de discerner entre l’éternel et le temporaire.
  3. La voie de l’action altruiste (Karma Yoga) : La Gita encourage à accomplir son travail sans s’attacher aux résultats. Agir de manière neutre et consacrer les fruits de ses actions à un objectif plus élevé est un thème central.
  4. La voie de la méditation (Dhyana Yoga) : La méditation et la pleine conscience sont présentées comme des moyens de contrôler l’esprit et d’atteindre un état de conscience plus élevé.

 

La Bhagavad Gita présente donc plusieurs voies de yoga et insiste sur la nécessité de trouver sa propre voie en fonction de son tempérament et des circonstances, tout en soulignant l’importance de l’action désintéressée et de la dévotion au divin.

En bref, les Yoga Sutras et la Bhagavad Gita fournissent de profonds conseils sur la pratique du yoga, offrant des cadres complets qui englobent une vie éthique, des pratiques physiques, le contrôle de la respiration, la méditation et une connexion plus profonde avec le divin. Ces textes anciens mettent l’accent sur l’autodiscipline, l’action désintéressée et la réalisation de la véritable nature de chacun.


Ce qu'il faut cultiver au lieu de viser la perfection

Au lieu de viser la perfection, la philosophie yogique souligne l’importance de cultiver la compassion et la bienveillance envers soi-même. 

  1. Ahimsa (non-violence) : Ahimsa est l’un des principes fondamentaux du yoga, qui met l’accent sur la non-violence et la compassion. Ce principe s’étend au-delà des actions physiques et englobe les pensées et les paroles. La bienveillance envers soi-même fait partie intégrante de la pratique de l’ahimsa.
 

« Ahimsa est le fait de ne causer de douleur à aucun être vivant, à aucun moment, par l’action de son propre corps, de sa propre parole ou de son propre esprit. – Yoga Sutras de Patanjali, 2.35

2. Maitri (amour bienveillant) : Maitri, ou amour bienveillant, est un concept que l’on retrouve dans la philosophie yogique et bouddhiste. Il s’agit de cultiver une attitude amicale et bienveillante à l’égard de soi-même et des autres.

« Cultivez une attitude d’amitié envers ceux qui sont heureux, de compassion envers ceux qui souffrent, de joie envers ceux qui sont vertueux, et d’équanimité ou d’indifférence envers ceux que nous percevons comme méchants ou mauvais ». – Yoga Sutras de Patanjali, 1.33

3Santosha (contentement) : Santosha encourage le contentement et l’acceptation de soi et des circonstances actuelles. Il s’agit d’un aspect essentiel de l’autocompassion, qui consiste à reconnaître et à apprécier le moment présent.

« Le contentement apporte le bonheur suprême. – Bhagavad Gita, 2.66

4. Karuna (compassion) : Karuna, ou compassion, est la qualité qui consiste à reconnaître la souffrance de soi-même et des autres et à y répondre avec un cœur compatissant. 

« Que tous les êtres, où qu’ils se trouvent, soient heureux et libres, et que les pensées, les paroles et les actions de ma propre vie contribuent d’une manière ou d’une autre à ce bonheur et à cette liberté pour tous. – lokah samastah sukhino bhavantu mantra

5Bhakti Yoga (voie de la dévotion) : Le bhakti yoga, la voie de la dévotion, met l’accent sur l’amour et la dévotion envers le divin. Cette dévotion s’étend souvent à l’amour et à l’acceptation de soi.

« Lorsque vous faites la paix avec vous-même, vous faites la paix avec le monde. – Paramahansa Yogananda

6. Réflexion sur soi : La pratique de l’autoréflexion, courante dans la philosophie yogique, consiste à se tourner vers l’intérieur avec conscience et compréhension. Cette pratique introspective peut conduire à une plus grande compassion envers soi-même.

« Votre tâche n’est pas de chercher l’amour, mais simplement de chercher et de trouver toutes les barrières que vous avez érigées en vous-même contre lui. – Rumi

7. Jnana Yoga (voie de la connaissance) : Le Jnana Yoga enseigne l’importance de comprendre sa vraie nature et de cultiver la conscience de soi, ce qui est fondamental pour l’auto-compassion.

« Vous êtes ce que votre désir le plus profond est. Tel est votre désir, telle est votre intention. Comme l’est votre intention, ainsi est votre volonté. Telle est votre volonté, telle est votre action. Telle est votre action, telle est votre destinée. » – Brihadaranyaka Upanishad

Ces enseignements mettent en évidence l’interconnexion de l’autocompassion avec des principes yogiques plus larges, soulignant l’importance de la bienveillance, de la non-violence, du contentement et de l’amour en tant que composantes essentielles du voyage yogique. L’intégration de ces principes dans votre pratique peut contribuer à une approche plus compatissante et plus attentive de vous-même et des autres.

En conclusion

Le yoga, sous ses différentes formes, est une pratique spirituelle et physique qui vise à cultiver la conscience de soi, la paix intérieure et la connexion à une conscience supérieure. Les différentes écoles de yoga ont des objectifs et des pratiques différents, mais elles mettent généralement l’accent sur l’épanouissement personnel, la réalisation de soi et le développement de qualités telles que la compassion, la pleine conscience et le non-attachement.

Au final, l’idée d’un « yogi parfait » peut être plus un concept aspirationnel qu’une attente réaliste. Chaque personne est unique et son parcours dans le yoga sera façonné par ses expériences individuelles, ses forces et ses domaines de croissance.

La recherche de la perfection dans le yoga est une noble quête, mais il est important de l’aborder avec une perspective équilibrée et réaliste. Dans le contexte du yoga, la perfection est souvent perçue comme un parcours continu d’amélioration de soi plutôt que comme un état final atteignable. 

Au lieu de se concentrer uniquement sur la perfection, il est préférable d’adopter une approche équilibrée, holistique et durable de votre pratique, en accord avec vos objectifs et vos valeurs personnelles. Car la véritable essence du yoga transcende les apparences physiques et consiste à cultiver une connexion harmonieuse entre l’esprit, le corps et l’âme.

Et si tu veux en apprendre plus sur le Yoga, n’hésite pas à aller lire notre dernier article sur les lectures yogi !