Mon expérience en centre de silence: Jour 3

 Le troisième jour arrive,

J’ai donc dormi d’une traite, et la méditation de 2h ce matin (avec une pause pipi après la première heure), quasiment non guidée s’est bien passée, sans trop de douleur. On dirait que la nuit a été salvatrice. J’ai quand même eu une grosse frayeur, il n’est normalement pas autorisé de quitter une conférence, mais je n’avais plus le choix. 

Nous partons prendre ensuite notre petit déjeuner, le temps passe vite, la conférence reprend à 10h. 

Conférence autour du Hatha yoga à la mode de Hridaya :

Hridaya affirme appartenir au mouvement du Yoga tantrique et a créé son école de Hatha Yoga en suivant. Du coup, pour cette conférence, nous avons droit à un rappel très succinct de ce qu’est le Tantra et les courants aspirationnels de l’école. 

Le courant du Tantra Yoga est apparu aux alentours du 6-7e siècle en Inde et au Tibet. Dans sa philosophie, on reconnait que le sacré se trouve dans le monde, dans le banal, qu’on peut voir le divin dans chaque chose. Contrairement à la vision ascétique, où on cherchait jusqu’ alors, à se libérer du monde, du corps, des désirs et des aversions. On vivait alors dans le manque et la douleur. On voyait la tentation, le désir comme quelque chose d’illusoire qui empêchait d’atteindre l’éveil. 

L’arrivée du Tantra marque un tournant dans le Yoga puisque le corps devient un temple.  Le principe serait, entre autres, de faire monter la Kundalini (énergie sacrée) le long des nadis (canaux énergétiques) depuis la base de la colonne vertébrale (Mulabandha chakra) vers les chakras supérieurs à travers la sublimation des énergies, étroitement liées aux émotions. On part du plus dense au plus subtil. On pratique le Tantra notamment par la méditation, par la conscience, en acceptant les émotions pour les transcender. On opère un travail énergétique, au service de la conscience. 

Le Hatha Yoga va donc découler du tantra, en imposant des postures comme des contraintes sur le corps qu’on apprend à traverser avec grâce. 

Voici le mode d’emploi : 

1- Je me connecte à l’espace du cœur 

2- J’entre dans la posture

3- Je trouve l’immobilité 

4- Je cultive une intention ouverte

5- J’active un centre énergétique en particulier (un chakra par exemple)

6- je reconnais l’universalité dans les énergies. 

En sommes un yoga à mille lieux de celui que je pratique et enseigne au quotidien. Mais ça passe, j’ai le cœur ouvert 😉 

On nous explique ensuite qu’il y a 4 niveaux de conscience dans le voyage spirituel 

1- la séparation de ce qui est à moi et ce qui t’appartient 

2- ce qui est à moi est à toi et inversement 

3- rien en t’appartient, rien ne m’appartient

4- il n’y a pas de moi, pas de toi

Puis on somatise la pratique grâce à savasana. 

Je tiens à mentionner que je ne fais que retranscrire les enseignements transmis lors de la retraite. Ils n’ont pas été sources, ni vérifiés, il s’agit bien ici de l’interprétation qu’en fait l’école Hridaya et non d’une vérité absolue. 

                                                        « Un souvenir, c’est 10 % de mémoire chronologique et 90% de mémoire psychologique » 

Je n’ai pas pensé à vous écrire les menus, mais majoritairement des légumes, vapeur, bouillis, des céréales, oléagineux. Pas de dessert, mais je vais survivre. Pas de café non plus, douce pensée pour Céline, mais je m’en sors aussi. 

 

Je pense beaucoup à l’accouchement et prend cette retraite comme une sorte de préparation mentale et physique.  Quand les participants évoquent les douleurs physiques lors des temps de questions réponses, le maitre parle de « surfer sur la vague de la douleur » quelque chose qui me parle puisque c’est ce qu’on nous conseille lors de préparations à l’accouchement physiologique. 

 

L’après-midi passe vite, courte sieste puis je prends une bonne heure pour faire mon journaling et écrire mes conclusions, la fin de la retraite approche. Je suis soulagée et en même temps, je ne sais pas si j’ai suffisamment eu le temps de savourer. Je me sens vraiment retenue par ma condition de femme enceinte du 3e trimestre. 

 

La méditation de l’après-midi se passe également plutôt bien, même si un temps supplémentaire est pris pour les questions réponses, très très nombreuses. Je n’ai évidemment pas pu m’empêcher de poser la question de la mention de Yogi Bahjan dans le livret d’accueil et l’inspiration que Hrydaya trouve encore dans cet être dont l’amour ne fait clairement pas parti de ses principes, le maitre a répondu que le livret devait avoir une douzaine d’années et qu’il devrait être mis à jour. 

 

Dernier diner en silence avec Clémence qui tient bon elle aussi, Elle m’impressionne ; elle arrive à ne pas bouger pendant les longues heures de méditation. Bon je la trouve un peu plus en souffrance pendant les temps interminables de conférence, je vois qu’elle s’intéresse même si cela manque un peu de structure. 

                                                                                                               Clôture du silence

 Nous clôturons Mauna, le silence sacré à 19h30 avec le chant de 3 « OM » à l’unisson et c’était magique, puissant, j’ai pleuré (enfin). C’était un moment extrêmement émouvant. Nous nous sommes ensuite mis en cercle pour échanger, nous étions une trentaine mais cela a été assez bref mais intense c’était touchant d’entendre les témoignages. Les hypersensibles que nous sommes pleurent et pleurent encore. Mais les chevaux sont lâchés et tout le monde ne peut plus s’empêcher de parler. À 22h, cependant il faudra recouvrer le silence, idem pour le dernier petit déjeuner. Nous nous échappons dans nos chambres pour justement profiter des derniers instants de calme avant le retour à la réalité. 

 

Cette nuit cependant, je dors mal je sens que le retour à la réalité est proche. Nous nous mettons d’accord avec Clémence pour participer le lendemain à une dernière méditation, facultative et non guidée, d’ une heure avec les bénévoles. Et on a bien fait, on a clairement gardé le meilleur pour la fin. J’ai adoré cette dernière méditation ! 

Allez, je ne vous tiens pas plus en haleine. Est ce qu’on a tenu ? Strictement ? Pendant presque 4 jours, sans se parler ? Sans téléphone ? Sans distraction autres que quelques notes dans un carnet ? Sans bouquin (nous qui lisons quasiment tous les jours) ? Avons-nous médité 5 heures par jours ? 

La réponse est oui. Sauf la dernière méditation à 21h30 de vendredi soir où j’ai cru que j’allais accoucher ! Mais il faut bien l’admettre, les conditions sont idéales : personne ne nous parle, nous sommes reclus de la société et tout est préparé pour nous : les chambres, les repas ainsi que notre planning. Nous n’avons donc aucune raison de parler. 

Non sans difficulté pour ma part : comme je le craignais, participer à une retraite de méditation à 37 semaines de grossesse était une réelle « contrainte » supplémentaire que je me suis ajoutée. Et une contrainte conséquente. Et pour cause, je subis des douleurs très vives dans les sacro iliaques et les lombaires depuis mon 4e mois de grossesse, le tout coupé à des tendinites des moyens fessiers, ainsi qu’un point d’inflammation brulant au niveau du diaphragme. En plus de ne plus pratiquer le yoga ni autre activité physique depuis maintenant 2 mois, j’arrive avec un corps ramolli qui n’a pas médité depuis très (trop !) longtemps. Je me demande d’ailleurs pourquoi j’ai arrêté de méditer, j’ai toujours adoré ça. 

Le silence, le vide, ne rien faire, ne pas allumer mon téléphone ont été d’une facilité déconcertante, quasi naturelle. 

Ce qui a été terrible en revanche, ce sont les douleurs physiques liées à la posture assise quasi 10h par jour. Je savais que j’aurais mal, les douleurs initiales n’allaient pas disparaitre par le simple fait d’intégrer une retraite en silence, mais je n’imaginais pas qu’elles seraient décuplées, rendant certaines méditations totalement impossibles, m’amenant au bord des larmes. Si bien que l’heure de Hatha Yoga, même si « mamie style » était une source de libération et de bonheur. Les 6 postures en une heure étaient salutaires, j’en aurais voulu davantage.

Spoiler alert : pas de révélation mystique, ni d’entrée en connexion avec le divin. (Ceci n’était de toute façon pas mon intention).

Un constat cependant, que je ne pouvais plus ignorer et qui m’a habitée pendant toute la retraite : j’avais perdu ma flamme pour le Yoga. 

A force de n’en voir que la lourdeur administrative et financière que représentent la gestion de deux studios et d’un centre de formation. 

A force de ne pas pouvoir pratiquer autant que je voudrais et évoluer (hello la vie de famille).

A force de rencontrer des mauvaises personnes, les entendre raconter des choses fausses sur le yoga avec peu de scrupules et vendre le yoga comme un remède magique en occultant les faits de société. 

A force d’avoir été formée approximativement par des gens mal attentionnés. 

A force de politisation, de parti pris, d’injonction à être un bon yogi.

A force de trop l’étudier, de l’analyser et de le scientifiser.

A force de clichés, ou au contraire, d’hyper marketisation.

Mon amour premier pour le yoga s’était envolé. Alors j’ai eu de la chance, il aura tout de même duré plus de 3 ans : j’ai commencé enfant puis ai repris de manière très régulière en 2013 avant de devenir prof en 2020. 

Alors on fait quoi ? Avec ce presque partenaire de vie en qui on a tant investi, tant donné, pour qui on a laissé tant de plumes. 

On passe à l’étape supérieure : à l’acceptation. 

Je me trouve très ingrate tout à coup. Comme trop gâtée. Comme si ce partenaire à qui j’ai été si dévouée ne m’avait quant à lui, rien apporté. 

Grâce au Yoga, j’ai ouvert les yeux sur une culture et une philosophie complexe

  • Je suis retournée sur les bancs de l’école, à faire ce que je préfère : étudier. 
  • J’ai rencontré des collègues et des consœurs qui sont aujourd’hui des amies chères.
  • J’ai pris un recul énorme sur les aléas de la vie, la méditation m’a permis d’agir plutôt que de réagir (et surement permis de survivre à la création d’une boite en plein covid). 
  • Je me suis affirmée politiquement, le yoga m’a ouvert les yeux sur de grands problèmes de société, d’accès au bien être, de greenwashing et il demeure un outil précieux pour faire un peu de bien autour de moi.
  • J’ai développé un corps fort, mobile et souple.
  • J’ai pu accoucher en physio de mon fils, sans péridurale ni aucune assistance médicale (merci la méditation et le corps fort, encore).
  • J’ai appris à mieux me connaitre…
  • J’ai vécu des choses hyper fortes en formation, retraite et autres évènements, de moments de connexions aux autres incroyables
  • Je ne me suis jamais lassée de prendre un cours de yoga, jamais. 

J’ai pu à mon tour, transmettre. 

Même si tout n’est pas parfait et que je ne sais toujours pas si on y arrivera, aujourd’hui le Yoga me fait vivre, moi et d’autres professeurs. Il permet aux élèves de venir trouver un peu de calme, de mouvement et de reconnexion

Je ressors satisfaite de cette expérience, je ne regrette pas de l’avoir fait, même enceinte et avec beaucoup trop de tofu. Je savoure depuis, chaque instant de silence et reprends petit à petit ma pratique de méditation, même 5 minutes par jour. Je suis heureuse d’avoir vécu la solitude à deux avec mon amie, fière de nous d’avoir tenu le coup sans aucune triche (bon allez il y a eu un petit fou rire quand j’ai testé une énième tisane ayurvédique insipide qui confirma alors que jamais je ne serai végane et un regard croisé décontenancé devant les mecs qui priaient le sol avec dévotion). Je reste convaincue qu’il est préférable d’y aller dans un état de santé mentale stable et ne pas attendre de réponses existentielles ou de manifestation divine (j’exagère à peine hein). Cette retraite est disponible sur des formats 3, 11, 17 et 49 jours et je pense que cela peut etre aliénant et pas forcément bénéfique si on ne va pas bien. N’oublions pas que les enseignements sont dispensés de manière ascendante et sans possibilité d’échange ou de débat. Qu’il n’est pas possible de parler, du tout, et à mon avis, on peut vite perdre en lucidité. 

Bref, je sens donc que la flamme est toujours là, et qu’il faut à nouveau souffler sur les braises pour que le feu reprenne. En tous cas, une chose est sure : la méditation reviendra plus fort à la rentrée 2025 : un cours le lundi matin à 8h10 à Lyon 6 (40 minutes) et à 8h10 le mercredi matin à Crépieux. Ces cours seront évidemment guidés, progressifs et pourront contenir du pranayama et du mouvement doux ! 

 

à très vite pour de nouvelles aventures, 

Perrine